Les techniques d’aujourd’hui : le niellage.

La technique du niellage n’est plus vraiment pratiquée depuis l’apparition de l’aquatinte.

En effet, on peut déjà lire dans le 19e tome de la Revue de Paris, de 1835, que la niellure n’est plus en usage depuis les dernières tentatives de Benvenuto Cellini pour créer des objets d’orfèvrerie niellés, du fait de la grande complexité du procédé et du faible taux de réussite lors de la production de ces objets. La revue nous parle alors de deux orfèvres Mr Mention et Mr Wagner qui au XIXe s remettent au goût du jour l’art de nieller en reprenant les procédés de niellage russes, que Charles Wagner a appris à réaliser par son apprentissage dans l’atelier de l’orfèvre P.W.Beuth.

Beuth utilise la recette qu’un certain moine Théophile utilisait et l’explicite dans un article qu’il écrit en 1826, « Sur le nielle et l’art de le préparer » : ‘Le niel, d’après cet auteur, doit être formé de 6 parties d’argent pur, 1 partie de cuivre, 7 de plomb, et une quantité de soufre en poudre indéterminée. On fond ces matières ensemble dans un creuset ; puis on réduit la masse en poudre, on la lave avec de l’eau, et on la convertit en pâte avec un peu d’eau gommée, puis on l’introduit dans les gravures faites sur les pièces que l’on veut nieller. Après cette opération, on fait sécher les pièces et on les expose, en préservant le niel du contact du charbon, à une chaleur rouge, qui identifie le niel avec l’argent. Les pièces ainsi préparées peuvent ensuite recevoir le poli, et présentent, sur un fond blanc, des incrustations noires, qui produisent un très bel effet’.

Les deux orfèvres vont alors, en 1829, perfectionner et mécaniser le procédé de niellage dont voici le brevet : ‘On met d’abord le soufre dans une retorte ou vase à col long, afin que le feu n’y prenne pas ; on doit ensuite éviter d’en faire une pâte ; car elle ferait jaillir les métaux, et empêcherait

l’amalgame ; on met l’argent et le cuivre dans un creuset ; lorsque ces métaux sont fondus, on y ajoute le plomb, et on verse le tout dans la retorte où est le soufre, qu’on a soin de boucher hermétiquement pour éviter que le soufre ne s’enflamme. Avant que ces matières ne soientcalcinées, on y ajoute le borax, afin d’épurer, adoucir le mélange et de laisser achever la calcination, ce dont on s’aperçoit lorsqu’il n’y a plus de flamme ni de fumée au col de la retorte ; on verse alors le tout dans un vase de fer. Cet alliage(…)  est assez dur pour être poli comme de l’argent ou de l’or, et assez souple pour ne pas s’écailler.(…) Lorsque la plaque de métal est convenablement préparée, on applique la nielle sur la pièce avec une spatule ; la gomme arabique qu’on a à y ajouter en dernier lieu la fixe sans frottements ; cette pièce ainsi recouverte de nielle, se met sous un moufle dans un four à émailler, et elle y reste jusqu’au moment où on s’aperçoit que la nielle est fondue, ce qui arrive avant que la pièce soit rouge ; alors on la retire du four, et si la nielle est fondue claire et sans aucune soufflure, on procède au polissage de la pièce, par les moyens et procédés employés pour polir l’argent.’

Bassin, MM. Mention et Wagner, v.1835, argent doré, nielle, grenat et émail, Musée du Louvre ©insecula.com

Bassin, MM. Mention et Wagner, v.1835, argent doré, nielle, grenat et émail, Musée du Louvre ©insecula.com

 

On peut donc voir que la technique du niellage s’est perfectionnée mais que le principe n’a pas fondamentalement changé. En effet, les quantités de métaux à utiliser sont plus précises afin de favoriser la production en chaîne d’objets niellés et de réduire les ratés.

Malgré tout, on préfère utiliser les procédés de gravure en taille douce qui sont plus rentables et plus simples à réaliser.

 

N.K.

Les techniques d’aujourd’hui : le cloisonné.

On peut continuer à suivre, aujourd’hui, la technique du cloisonné au travers de la technique de l’émail cloisonné. Elle est toujours utilisée pour fabriquer notamment des vases chinois ou encore en horlogerie.

Un émailleur part d’une image à l’échelle de l’objet qu’il souhaite réaliser, qui peut être soit dessiner sur un papier soit directement sur l’objet. Il fixe ainsi la taille des cloisons.

Le fond des cloisons peut être fait de n’importe quel métal (or, cuivre, argent,…).

Il va ensuite pincer les fils métalliques pour leur donner les formes indiquées sur le dessin.

Pliage d'un fil métallique ©http://piaget.watchprosite.com/

Pliage d’un fil métallique ©http://piaget.watchprosite.com/

Ces derniers seront visibles au travers des émaux. C’est une opération qui prend beaucoup de temps car les fils sont fragiles et les formes parfois compliquées. Ils peuvent parfois être laminés, martelés ou étirés en fonction de l’esthétique voulue.

Si l’émailleur n’a pas réalisé directement le dessin sur l’objet, il va alors devoir le graver afin de faciliter la pose des fils métalliques, ce qu’il réalisera donc avec des burins ou des échoppes (comme pour la technique de la gravure). Les fils seront alors positionnés sur l’objet et fixés sur l’objet avec une colle spéciale (gomme adragante), qui après cuisson ne sera plus visible, ou par soudure (cette dernière permettant une fixation pérenne).

Après avoir posé les cloisons, l’émailleur les remplit avec les différents émaux qu’il souhaite utiliser.

Pose des cloisons ©http://arts.cultural-china.com/

Pose des cloisons ©http://arts.cultural-china.com/

Pour finir, l’objet passe 6 à 7 fois dans un four afin de cuire les émaux et de les faire fusionner avec le cloisonnage. L’émailleur se doit d’ailleurs de connaître impérativement tous les matériaux qu’il utilise pour son objet afin de respecter les températures de fusion de ces derniers. En général, le four a une température de 800 °C qui peut plus ou moins varier en fonction des matériaux utilisés.

Une autre technique de cloisonné peut être utilisée : celle du cloisonné dit « à jours » ou « plique à jour ». C’est une technique qui apporte des effets de transparence aux émaux car il n’y a pas de fond métallique liant les cloisons. En effet, l’émailleur ferme chaque alvéoles cloisonnées par une fine feuille de cuivre ou d’argent qu’il colle sur celles-ci. Cette feuille métallique est par la suite dissoute par des acides et élimine donc un possible fond métallique pour les alvéoles.

Voici le lien d’une vidéo qui montre comment réaliser un émail cloisonné du début à la fin :

Dans cette vidéo on peut voir clairement le four qui est utilisé pour faire cuire les émaux cloisonnés et quelques explications sur la technique :

Cette dernière vidéo semble être la meilleure du fait de ces explications étapes par étapes et du fait que chaque étape est précisément filmée et montre bien les outils et gestes de l’émailleur :

NK

Les techniques antiques : Le Nielle.

C’est une technique produisant un décor en incrustant une matière de couleur noire ou bleutée, le nielle, dans des traits gravés dans un métal clair (argent ou or le plus fréquemment). Le nielle peut aussi être appliqué sur des surfaces lisses.

Dague en bronze, or, argent et nielle, découverte dans la tombe A de Mycène, 1600-1100 av. J.-C., Musée archéologique d'Athènes. Photo by Stephen Zucker.

Dague en bronze, or, argent et nielle, découverte dans la tombe A de Mycène, 1600-1100 av. J.-C., Musée archéologique d’Athènes. Photo by Stephen Zucker.

Le nielle est composé de sulfures métalliques dont la composition varie selon les époques, et détermine son mode d’application.
Les grains de nielle peuvent être plus ou moins fins.

Il faut déposer le nielle dans les sillons de l’objet de façon uniforme pour éviter que des défauts apparaissent sur l’objet. La surface de l’objet est ensuite lissée et enduite de borax, puis séchée et chauffée jusqu’à la fusion aux environs de 400 °C.
La première recette connue est donnée par Pline l’Ancien, au Ier s de notre ère,  dans son Histoire Naturelle : « On mélange à l’argent un tiers de cuivre de Chypre en copeaux très fins, et autant de soufre vif que d’argent; on fait fondre le tout dans un récipient de terre luté avec de l’argile; la cuisson doit continuer jusqu’à ce que le couvercle s’ouvre de lui-même. »

On peut lire également dans le « Papyrus de Leyde » datant du IIIe s de notre ère, rédigé en grec, la recette d’une substance noire qui semble être celle du nielle et qui contient du cuivre, de l’étain, du plomb et du soufre.
Au III e s, la « Mappae Clavicula » fournit 6 recettes pour fabriquer le nielle, qui sont toutes à base de sulfures. Trois d’entre elles concernent un nielle à appliquer sur une surface, et les trois autres un nielle à incruster.

Dague en bronze, or et nielle, découverte dans la tombe A de Mycène, 1600-1100 av. J.-C., Musée archéologique d'Athènes. Photo by Stephen Zucker.

Dague en bronze, or et nielle, découverte dans la tombe A de Mycène, 1600-1100 av. J.-C., Musée archéologique d’Athènes. Photo by Stephen Zucker.

Nous pouvons voir grâce à une étude géologique sur le site minier d’Alburnus Maior en Roumanie (actuellement Rosia Montanà) que cette technique existait effectivement à l’Antiquité. Grâce à l’archéologie minière, les chercheurs ont prouvé la présence de différents minerais qui étaient utilisés à l’époque romaine, notamment des restes d’électrum, de minéraux d’argent et de différents sulfures.

N.K.

Les techniques antiques : Le cloisonné.

Le cloisonné est une technique formant un décor composé de « cloisons » à partir de rubans métalliques  fixés sur un fond du même métal.

L’ orfèvrerie cloisonnée s’applique aussi pour les décors de pierres ou d’émaux montées dans des cloisons de métal formant des bâtes.

Pendentif, rapace tête de bélier, Nouvel Empire (v. 1550-1069 av. J.-C.©Musée du Louvre/C. Décamps

Pendentif, rapace tête de bélier, Nouvel Empire (v. 1550-1069 av. J.-C.©Musée du Louvre/C. Décamps

Des ouvrages en cloisonné sont connus en Egypte dès le début du IIe millénaire av. JC. Les cloisons proviennent soit de l’inclusion de bandes métalliques dans de la pâte de verre amollie soit en découpant et en assemblant entre elles par soudure de fines bandes de métal. Les

Bague aux chevaux, Nouvel Empire (1550-1069 av. J.-C.)©Musée du Louvre/C.Décamps

Bague aux chevaux, Nouvel Empire (1550-1069 av. J.-C.)©Musée du Louvre/C.Décamps

alvéoles ainsi déterminées enserrent des pierres fines ou des pâtes de verre découpées aux dimensions adéquates et maintenues par une sorte de ciment tapissant le fond des alvéoles.
On observe surtout l’application de cette technique en corrélation avec celle de l’émaillage. L’émaillage se fait après avoir préalablement fait un cloisonnage. On introduit dans chaque alvélole cloisonnée une poudre d’émaux. Puis on chauffe l’objet dans un four ou un foyer de cuisson pour faire adhérer l’émail à la cloison de métal. Lorsque l’objet est terminé, on observe les cloisons métalliques que sous la forme d’étroites bandes de métal.

 

L’émail cloisonné est apparu en Orient durant l’Antiquité mais est utilisé très rarement ce qui fait que l’on ne peut déterminer précisément les différentes étapes techniques avant le Moyen-Âge.

 

Les orfèvres appliquaient probablement l’émail en mouillant l’objet dans une pâte liquide afin de remplir les motifs cloisonnés. On peut retrouver la pratique de l’émail dans l’art grec, scythe, étrusque mais surtout en Russie dans les régions caucasiennes.

Coche de la Ferté dans son ouvrage Les bijoux antiques, écrit en 1956, pense que la cloisonné est issu de la technique du filigrané et qu’il serait apparu à partir d’un procédé alexandrin qui consistait en la découpe d’une forme métallique dans une pièce de verre en fusion. Les romains seraient à l’origine de l’apparition de cette technique en Occident du fait des nombreux échanges avec l’Orient.

N.K.