Les origines de la brasure

La Brasure est une technique d’assemblage de pièces métalliques grâce à un autre métal liquide (qui a donc été chauffé préalablement) qui possède une température de fusion inférieure à celles de ces pièces. On pose le métal à l’état liquide entre les deux pièces à accrocher qui sera rechauffé lors du « collage ». Les pièces seront attachées lors du refroidissement et ne participeront pas à la fusion du fait de leur température de fusion supérieure.
Le Petit Chien pendeloque de Suse © Base Atlas

Le Petit Chien pendeloque de Suse © Base Atlas

On peut attester, selon l’entreprise Johnson Matthey & Brandenberger, de l’utilisation de la brasure dès 5000 av. J.-C. en Egypte. On peut voir l’utilisation de cette technique selon lui notamment avec les bracelets retrouvés dans le sarcophage de Toutankhamon, rubans d’or tordus pour avoir une forme arrondie et dont les extrémités ont été brasées. Selon cette entreprise, les orfèvres de l’Antiquité réussissaient cette prouesse technique grâce à la technique de la « brasure par réaction » ou « brasure par diffusion », redécouverte au XIXe s par le prêtre Johannes Schulz et au XXe s par l’anglais Henry Ambroise Pudsay Littledale.

« Ce procédé repose sur le principe selon lequel certains sels de cuivre sont réduits dans l’atmosphère chargée en monoxyde de carbone des fours à charbon de bois. Une fois cette réduction achevée, les composés du cuivre, au contact de l’or ou de l’argent, se transforment à la faveur d’une réaction chimique, en un alliage apte au brasage, c’est-à-dire en un alliage d’un point de fusion inférieur à celui de l’or ou de l’argent. »
Le Dr Jacques Piollat, dans les « Risques professionnels  des bijoutiers-joailliers » parle des peintures murales des tombes égyptiennes de Nebauin et Ipuky datant de 1380 av. J.-C. qui montrent des orfèvres au travail et l’on peut ainsi observer par quels moyens les métaux étaient fondus. L’or devant fondre à 1000°C, les artisans égyptiens soufflaient tout d’abord sur un feu grâce à des roseaux puis ils inventèrent petit à petit le four à soufflet. Selon lui, les premières brasures sont apparues du fait que l’or à l’état naturel était mélangé à d’autres métaux comme l’argent et le cuivre, et donc que lorsque celui-ci était chauffé faisait des brasures naturellement car les autres métaux fondent plus rapidement.
Le Petit Chien pendeloque de Suse © Base Atlas

Le Petit Chien pendeloque de Suse © Base Atlas

Romain Prévalet dans son mémoire de master II prend comme sujet « Les techniques de granulations en Méditerranée orientale à l’Âge du Bronze ». En étudiant cette technique, on s’intéresse forcément à la technique de la brasure. En effet la brasure est considérée comme une sous-technique de la soudure. En prenant ce sujet, Romain Prévalet a pu se rendre compte qu’il existait déjà plusieurs techniques de soudure vers la fin du IIIe et le début du IIe millénaire avant notre ère, au travers de la production d’objets en or troyens. En effet, les artisans semblaient avoir déjà le choix entre la brasure à l’alliage et la soudure avec des ions cuivreux.

Le brasage à l’alliage est définie comme tel par Mr Prévalet : « processus de liaison mécanique et chimique de deux pièces métalliques par l’ajout de métal ».
Toujours d’après ses recherches, il a pu déterminer que le brasage à l’alliage existaient en Orient depuis la seconde moitié du IVe millénaire av. J.-C.
Des bijoux sumériens et troyens montrent d’ailleurs que ce fut cette technique qui fut utilisée en première pour la granulation.
Voici la description de la technique :  » Il consiste à étaler un fondant à l’emplacement désiré puis d’y poser un mélange de colle et de paillons d’alliage et finalement de chauffer la pièce à une température voisine de 950°C, point de fusion de l’alliage soudant. Les joints créés, correspondant généralement au calibre de granules moyen ou gros, sont épais voire même empâtés.
L’avantage de cette technique est, toujours selon lui, de permettre « de souder plusieurs éléments en une unique chauffe, les paillons d’alliage ayant une température de fusion inférieure à celle des granules d’or et donc d’éviter toute déformation de chauffe ».
Cette technique a pu être déterminée par l’observation des artefacts retrouvés datant de cette période, mais comme Mr Prévalet nous le fait remarquer, on ne connait pas encore les outils qui étaient employés par les artisans-orfèvres ni même les « substances minérales ou végétales ». Cela ne sera possible qu’avec une approche pluridisciplinaire, qui n’a pas encore eu lieu.
Dans « L’art des peuples italiques : 3000 à 300 avant J.-C. », le procédé de la ‘brasure douce’ existerait depuis le VIe s av. J.-C. chez les Étrusques, venant des échanges commerciaux avec les grecs. « Il s’agit d’une soudure à l’étain ou au plomb. Ce procédé présente des avantages de facilité puisqu’il s’exécute à une température basse (200-300°C). La jonction se fait par un interface qui se forme entre l’alliage de brasure étain/plomb et le bronze ».
Dans son article « Bagues et anneaux à l’époque romaine en Gaule », Hélène Guiraud, indique que les artisans utilisaient la brasure afin de réaliser les jonctions de tous les bijoux, en partant d’un échantillon de plus de 3000 pièces datant de cette époque.
AS.L

Les débuts du filigrane

Le filigrane – de l’italien filigrana « fil à grains » – est un ouvrage fait de fils de métal, entrelacés et soudés sur une même pièce de métal (d’après le Petit Robert, éd. 1992).
Cette technique a la particularité de n’utiliser que le métal pur, l’or et l’argent en particulier, car du fait de leur faible température de fusion et de leur élasticité quand ils sont chauffés, un simple gramme suffit pour obtenir plusieurs mètres de fil, le but étant d’obtenir des fils métalliques très fins.
Ce serait les sumériens qui inventèrent les premiers les techniques du filigrane et de la granulation. Les Sumériens sont un peuple vivant en Mésopotamie (au niveau de l’actuelle Irak) entre le IVe et le IIIe s av. J.-C. ! En effet c’est à l’époque de Sumer que l’attrait pour l’or se fait plus grand et que la production d’objets en or augmente comme on peut le voir avec les fouilles des tombes royales d’Ur. L’emploi de la technique du filigrane se retrouve dans de nombreux bijoux, notamment, mais aussi dans d’autres objets (casques, poignards, statuettes…).
L’article « Technological study of gold jewellery pieces dating from the Middle Kingdom to the New Kingdom in Egypt » disponible sur CAIRN (lien visible dans la webographie) montre une étude technologique pluri-disciplinaire sur des artefacts d’orfèvrerie égyptien datant du Moyen Empire au Nouvel Empire (IIIe-IIe millénaire avant notre ère) présents au Musée national d’Écosse (National Museums Scotland). On peut observer sur les bagues d’Armana la technique du filigrane : on peut observer un fil enroulé autour des anneaux. Ceci est considéré comme une forme de filigrane. Les auteurs rapportent le fait que ce type de technique peut se voir dès la fin du Ve millénaire en Egypte, sur des bagues faites de petits fils perlés, et de petits fils en cuivre ou en argent qui ferment la bague en étant torsadés.
On peut voir cette technique sur des bagues de la même époque conservées au British Museum et sur des colliers provenant des tombes des femmes de Thutmose III.
Les chercheurs concluent par le fait que la technique du filigrane et de la granulation étaient possibles à cette époque du fait de l’utilisation d’une soudure forte et c’est justement en observant simplement ces jointures que l’on peut voir en négatif l’utilisation d’une technique où l’on tordait les fils métalliques donc la technique du filigrane.
Romain Prévalet dans son articles « Preliminary observation on three Late Bronze Age gold items from Ras Shamra-Ugarit (Syria) » publié dans Archéosciences, s’intéresse quant à lui à des artefacts d’orfèvrerie du Proche-Orient datant de l’Âge de Bronze (2e moitié du IIe millénaire av. J.-C.) afin de déterminer les caractéristiques techniques des technique du filigrane et de la granulation.
En étudiant trois objets provenant du Musée de Damas (une paire de boucles d’oreilles, et deux colliers), on peut voir l’utilisation du filigrane mais pas pour la décoration des bijoux mais plutôt pour les attaches ou le renforcement de ces derniers.
Romain Prévalet pense que la technique utilisée est le « block-twisting » : on tord plusieurs portions de fils métalliques afin de former une sorte de multi-spirale, qu’on lisse ensuite. On pourrait comparer cela à un fil de laine composé de plusieurs filaments de laine.
Le Pendentif à tête d'Achéloos est un parfait exemple de ce savoir faire Petit pendentif de seulement 4 cm de diamètre. © Base Atlas

Le Pendentif à tête d’Achéloos est un parfait exemple de ce savoir faire
Petit pendentif de seulement 4 cm de diamètre. © Base Atlas

Dans le livre « Les sciences du patrimoine : identifier, conserver, restaurer », il est intéressant de lire le chapitre sur l’authenticité car l’auteur prend comme exemple un pendentif étrusque dit « pendentif à tête barbue de Silène » et une copie datant du XIXe s de l’orfèvre italien Fortunato Castellani. Bref, ce qui nous intéresse dans ce passage est une simple phrase indiquant que dans l’Antiquité, l’usage de la lime n’était pas encore courant. On ne sait donc pas quels étaient réellement les outils que l’orfèvre utilisait pour cette technique.

Pour aller plus loin :
– un blog écrit également par des étudiants de Paris 1 Panthéon-Sorbonne sur les tombes royales d’Ur : https://lesziggourats.wordpress.com/2010/05/21/la-metallurgie-et-lorfevrerie-a-ur/
– le catalogue de l’exposition « L’or grec » du Musée de l’Ermitage d’Amsterdam.
AS.L